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Le P’tit Noir se rebiffe

Michel Audiard aurait pu faire dire à Bernard Blier il n’y a pas encore si longtemps de cela "Parce que j’aime autant vous dire que pour moi Monsieur Jacques avec son café planté au Brésil à Roubaix et son jus de chaussettes à l’italienne fabriquées à Grenoble..."

C’est que le p’tit noir de comptoir hante l’imaginaire de tous les français, nourrit les scènes de tous les films d’antan et inspire les meilleures brèves de comptoir. Le p’tit noir est foncièrement patrimonial.Quoi ? Qu’est-ce qu’elle a ma gueule … de p’tit noir ? Ben, elle a, à la fois, du plomb dans l’aile, et bel avenir devant elle, ta gueule mon p’tit noir.

Avec le déclin du comptoir, la fin du café-clopes et des œufs durs sur le zinc, la montée de l’hygiénisme et le succès de la capsule, le café, le lieu et son comptoir, véritable parlement du peuple, mi-fumoir mi-abreuvoir, s’est dépeuplé et a mué en lieu propret et design. Si la mode du zinc et celle du café bruyant et bondé passent, celle de son acolyte, le p’tit noir, elle, perdure, envers et contre tout, pour le meilleur et pour le pire. Le changement, parfois à marche forcée, est en route pour un p’tit noir heureux, bon et savoureux.

Le p’tit noir, c’était un art, un art français, celui d’une torréfaction appelée partout dans le monde avec dédain, French Roast, soit d’un grain brûlé et carbonisé à noir, plus encore que l’Italian Roast, mouillé à l’eau et suintant d’huile. Le p’tit noir c’était l’express et non l’espresso venu d’Italie, soit un café vite fait mal fait, pourvu qu’il coule vite, très vite. Sans mousse, sans crema ni couleur, le p’tit noir est parfois (souvent ?) blafard.


Souvent amer, boisé, astringent et aqueux, les plus fins lui concèdent des notes de chocolat et de noisette, les moins précautionneux, de caoutchouc et de terre. Mais qu’importe puisqu’on le sucre et l’avale en fumant ? Le p’tit noir, c’était plus un prix qu’une boisson, plus un tic qu’un rituel, plus une addiction qu’un plaisir, plus une négligence qu’une offrande. Et si l’on ignore historiquement pourquoi on l’appelle le p’tit noir, les interprétations sont multiples: couleur noir foncé, goût de pneu, grain brûlé, il s’oppose au Grand Cru assurément et s’éloigne beaucoup de cette liqueur noire chantée par Balzac et Voltaire.

C’est que, sans en avoir l’air, le p’tit noir a aussi fait de la politique. Venu d’Afrique Noire lorsqu’on la nommait ainsi, il est intimement lié à la colonisation française. Fortement robusté car le Robusta, que l’on vilipende volontiers aujourd’hui, pousse en plaine et à foison, au chaud. Les Français l’ont donc planté partout dans leurs colonies d’Afrique de l’Ouest et en ont longtemps soutenu le marché, achetant les qualités les moins bonnes, pour que les meilleures soient valorisées sur le marché international. Ainsi la Côte d’Ivoire, le Cameroun et bien d’autres pays étaient les leaders mondiaux du Robusta. Ce Robusta, connu pour son amertume, sa puissance, et son végétal, fut rapidement adopté par les Français, habitués, depuis Napoléon, à l’amère chicorée. Et leur addiction fut entretenue par un système de tarifaire très réglementé.

Comme la baguette de pain, le café, aliment de première nécessité, avait un prix fixé qui interdisait toute montée en gamme. Or, si le pain a commencé, lui, sa révolution qualitative il y plus de 20 ans, celle du café s’est longtemps fait attendre mais aujourd’hui, en 2018, elle est définitivement lancée et rien ne pourra plus l’arrêter. Les restaurateurs comme tous les professionnels de la restauration mais aussi les particuliers, ont en effet, maintenant la possibilité de (se)servir des cafés de qualité, associant gourmandise, plaisir et complexité aromatique.

Fini les extrêmes des early adopters portés vers une acidité que l’on pensait opposée à l’amertume des cafés à l’italienne, bonjour l’élégance et la gourmandise. Fini le café aux noms désincarnés, bonjour les Grands Crus issus de terroirs et de plantations. Le café fait enfin son entrée dans le monde de la diversité, de la richesse géographique, de la nuance des millésimes, des liens avec telle ou telle appellation voire producteurs.

Tout un chacun, à condition de l’acheter chez le bon torréfacteur, peut suivre un plantation comme on suit un vigneron. Du coup, les cartes de cafés deviennent possibles et construites comme une carte des vins, comme chez Yoann Conte ou à l’Hostellerie de Plaisance avec Ronan Kervarrec, jouer des desserts comme au Clarence de Christophe Pelé ou carrément s’intégrer dans la cuisine comme chez Anne-Sophie Pic qui le cuisine et le sert au guéridon.

Le café n’est plus là par hasard, mais au contraire, il participe de l’identité d’un lieu, d’un menu, d’un plat ou d’un moment. Il se fait équilibré, toujours, sapides et frais, ou au contraire profond et tertiaire, ou encore fruité et gras. Le dernier billet du repas perdure alors une heure durant dans la bouche du client. Le restaurateur comme le service en salle, retrouve de la superbe en multipliant les associations du café servi, non avec le sucre et le verre d’eau, mais avec digestifs, mignardises, et selon des rituels dépoussiérés.

Et il ne faut pas croire que ce café de qualité soit réservée à une élite fidèle des restaurateurs étoilés. Loin s’en faut. On peut retrouver cette même attention au produit et cette même démarche pour la qualité au Café de la Nouvelle Mairie à Paris. La bistronomie n’est pas en reste comme aux Canons à Nice tout comme les pizzerias à l’image de l’Atelier Pizza à Corbeille. Quitte à bousculer les préjugés, le p’tit noir a désormais carte blanche pour offrir du plaisir, beaucoup de plaisir. Alors, on peut le dire, le p’tit noir est mort, vive le p’tit noir.

 

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