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Le destin d'Hippolyte Courty

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Café, antre et moteur de la politique

On parle souvent de brèves de comptoir, de discussions de café du commerce, et associe souvent le café, le lieu, à une assemblée politique, un lieu de débat, et le café, à un moteur à réflexion.

Balzac en résumait ainsi la force : “ le café met tout en mouvement, les idées se précipitent tels des bataillons…” A croire que sa consommation devrait être obligatoire !

Ce qui paraît logique, mais pour autant étonnant aujourd’hui, est que le café a été plusieurs fois interdit par des régimes qui craignaient les débats d’idées, les assemblées, et les paroles hautes.

En 1511, à La Mecque, soit dès l’origine de sa consommation dans la Péninsule Arabique, vers 1600 à Rome taxée de fameuse “boisson du Diable”, en 1620 dans l’Empire ottoman, en 1675 en Angleterre… L’histoire du café, et surtout des cafés, est marquée par les tentatives d’interdiction et de réglementation des pouvoirs en place, inquiets de l’atteinte à l’ordre public qui se fomentait dans les cafés, à grandes tasses de cafés. Les régimes autoritaires ont ainsi toujours préféré un peuple saoul et aviné à un peuple caféiné.

L’Histoire leur a d’ailleurs donné raison, puisque les cafés ont bien été le lieu des séditions et des révolutions, tels la Green Dragon Tavern des Pères fondateurs des États d’Amérique et Le Procope des révolutionnaires français.
D’ailleurs, l’événement fondateur de l’Indépendance et de la Révolution américaines fut bien la Boston Tea Party. Celle-ci n’avait pas d’autre motif que la contestation par l’élite politique locale de la taxation coloniale britannique sur le thé. Cette révolte contre l’impôt se transforma assez vite en refus de consommer du thé. Au thé, symbole de la domination et de l’oppression coloniales, les fondateurs préfèrent le café en signe de contestation. Et le mouvement fut tel, qu’en moins de vingt ans, la consommation de café par habitant fut multipliée par 7 ! Et les Pères de l’Indépendance prirent ainsi rapidement leur quartier, non dans un salon de thé, mais bien dans une Coffee House, sorte de Coffee Shop du XVIIIe siècle, la Green Dragon Tavern. Jefferson tout comme Adams, férus de café, exhortèrent leurs concitoyens durant leurs mandats  à boire du café et à oublier le thé.
L’historien français, Jules Michelet, décrit cette même ébullition qui agitait le Procope à Paris, d’abord fréquenté par les comédiens du Français, puis par les philosophes. En parlant du café il écrit : “Il fut bu par Buffon, par Diderot, Rousseau, ajouta sa chaleur aux âmes chaleureuses, sa lumière à la vue perçante des prophètes assemblés dans “l’antre du Procope”, qui virent au fond du noir breuvage le futur rayon de 89.”

D’ailleurs, le café ne fut pas moteur de révolution, de libération, dans les seuls pays de la tasse mais bien aussi dans les pays dits de la plante, les pays producteurs.
En effet, nombre de mouvements paysans ont aussi débuté avec les fluctuations des cours du café, qui poussait et pousse encore et toujours, les fermiers à la ruine.
Cette valeur contestataire du café se retrouve, encore, mais peut-être dans une expression moins violente, à des époques plus récentes. C’est par le café qu’a débuté l’aventure du Fair Trade et la fondation d’un label comme  Max Havelaar. Ce fut, dès les années 1960 l’une des boissons emblématiques des Radicals engagés aux États-Unis, des militants anti-guerre du Vietnam. Ce furent aussi des mobiles politiques et de justice sociale qui incitèrent les fondateurs du Specialty Coffee à organiser le Direct trade (circuit court) et les échanges égalitaires entre producteurs et consommateurs (Cup of Excellence). C’était alors au coeur des années Clinton et de l’engagement contre  la fracture Nord/Sud.
Aujourd’hui encore, le succès des Specialty Coffees exprime bien une volonté politique, celle de faire du café populaire, commun et démocratique, une culture savante. Ses adeptes, souvent jeunes, se posent en rupture des aînés, qui, comme statuts symbols, préféraient le vin, les spiritueux ou les cigares au café, les grosses voitures au vélo, les costumes aux chemises de bûcheron, les parcs d’attractions aux voyages aux « Origins », les brevets au collaboratif et à l’open source.

En ces temps obscurs, il semble pourtant si facile d’y voir clair, qu’on aimerait que la France entière se mettent définitivement au café, elle y verrait sans aucun doute percer “le rayon du bonheur”.

Cet article est extrait du livre Café d'Hippolyte Courty.


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